L'immense chef-d'oeuvre qu'est la Pietà de Villeneuve-lès-Avignon est paradoxalement un tableau mal connu : aucun document ne révèle son auteur ni les circonstances exactes de sa commande. Remarqué en 1834 par Prosper Mérimée, alors tout jeune inspecteur des Monuments historiques, qui y voyait la main de « Jean Bellin », le tableau fut tour à tour considéré comme une création italienne, allemande, flamande, française, espagnole ou portugaise ; il fut néanmoins présenté sous l'attribution à l'« école de Nicolas Froment » en 1904, à la mémorable exposition des « Primitifs français », où il suscita l'admiration générale ; dès lors la plupart des critiques se rallièrent à l'idée d'une origine avignonnaise. La connaissance intime qu'avait Charles Sterling du style très personnel d'Enguerrand Quarton, fondée sur ses deux oeuvres documentées, le Retable Cadard (Chantilly, musée Condé) et le Couronnement de la Vierge (Villeneuve-lès-Avignon, musée), le conduisit en 1959 à avancer le nom du plus grand peintre provençal du XVe siècle à propos de la Pietà, trouvant ainsi « la solution lumineuse d'un problème longtemps litigieux » (Michel Laclotte). Si un consensus semble s'être fait aujourd'hui sur son auteur et sa date, voisine de 1455, l'emplacement d'origine du tableau et l'identité du chanoine-donateur agenouillé à gauche restent mystérieuses.