La Société des Amis du Louvre a fait don au musée grâce à la générosité de deux mécènes du département des Arts graphiques, M. Loïc Bongay et M. Benjamin Jarry, d’une initiale enluminée passée autrefois dans les mains de l’archéologue et historien de l’art Robert Forrer (1866-1947) qui complète un ensemble de trois autres initiales déjà conservées au Louvre. Il s’agit d’une lettre D sur fond d’azur qui réunit toutes les particularités des précédentes en y ajoutant la singularité d’une figure d’archange, saint Michel, sans doute sortant tout armé d’une corole évoquant par sa forme une corne d’abondance. Toutes ces lettrines réunies au Louvre grâce aux amis du musée forment un groupe cohérent auquel il ne manque, dans l’état actuel du savoir, qu’une cinquième initiale qui fut donnée en 1926 l’Art Institute de Chicago par Emily Crane Chadbourne. Toutes proviennent à l’évidence d’un même ensemble de livres de chœur, démembré au plus tard au milieu du XIXe siècle, où les initiales, particulièrement développées, hybridaient habilement la science du botaniste, la stylisation ornementale du règne végétal et toutes les apparences luxueuses de l’art du lapidaire et de l’orfèvre. Somptueux témoignages d’un style maniériste qui irrigua une large part de l’Europe au cœur du XVIe siècle, certaines de ces lettrines ont longtemps été considérées comme de facture française mais un éminent connaisseur des manuscrits enluminés, François Avril, a remarqué que leur très grande taille et l’emploi au verso d’une écriture particulière, une grosse rotunda liturgique, les signalaient comme des fragments de livres de chœurs hispaniques. Il n’y a en effet qu’en Espagne (et par la suite au Mexique) que l’on trouve, dans la seconde moitié du XVIe siècle, des livres de musique sacrée d’aussi grandes dimensions susceptibles d’intégrer des initiales d’une telle taille. Cette origine espagnole fait d’autant moins de doute que la construction des lettres et leur vocabulaire décoratif s’apparentent par leur style à ce que l’on voit dans les lettrines des livres de chœurs que Philippe II fit calligraphier et enluminer pour le monastère royal de San Lorenzo de El Escorial.