La Dérision du Christ appartenait à l’origine à une oeuvre d’un format plus important, dont deux autres panneaux ont été conservés : une petite Maestà à la National Gallery de Londres et une Flagellation du Christ à la Frick Collection de New York. L’ensemble dut être démembré au début du XIXe siècle, selon une pratique courante à cette époque, afin de faciliter la commercialisation des oeuvres et d’en tirer davantage de bénéfices. Cimabue adopte ici une composition renouvelée qui fait écho aux grandes évolutions de la spiritualité de cette époque, promues par les Franciscains pour qui l’artiste travailla à plusieurs reprises, notamment à Assise et à Pise. Il cherche moins à figurer l’épisode décrit brièvement dans l’Évangile de Luc (22, 63-65), qu’à mettre en scène l’idée même de violence et d’agitation que décrivent prédicateurs et auteurs franciscains contemporains afin d’encourager les fidèles à revivre intérieurement les outrages subis par le Christ après son arrestation. La Dérision du Christ constitue un jalon extrêmement important pour l’histoire de l’art, permettant de mieux comprendre les sources de la révolution picturale dont Giotto et Duccio ont été les principaux artisans au XIVe siècle. Aux côtés de la grande Maestà de Cimabue et du Saint François d’Assise recevant les stigmates de Giotto, deux des chefs-d’oeuvre du musée, La Dérision du Christ, tableau riche d’inventions formelles aussi bien qu’iconographiques, viendra prochainement mettre en lumière les débuts d’une nouvelle forme de peinture en Occident, une peinture moderne qui voit triompher pour la première fois narration et naturalisme, deux notions auxquelles les plus grands artistes n’ont eu de cesse de se confronter jusqu’à nos jours.