Exceptionnel dans l'oeuvre graphique de Gros, ce dessin représente la rencontre entre le jeune Alexandre et son cheval, Bucéphale, qui l'accompagnera dans la conquête de son empire, tel que le raconte Plutarque dans sa Vie d'Alexandre. Cet étalon, descendant selon la tradition grecque de l'une des juments de Diomède, était particulièrement farouche et rétif, à tel point que Philippe de Macédoine avait même refusé de le choisir comme monture. Son fils Alexandre émit alors des regrets et se vit promettre Bucéphale à la seule condition de le dompter. Le jeune prince, s'étant aperçu que la bête avait peur de son ombre, parvint à la calmer en la plaçant face au soleil. Bucéphale n'acceptera d'autre cavalier qu'Alexandre par la suite. Un tel sujet ne pouvait que séduire un jeune artiste amateur de chevaux tel que Gros, élève de David et célèbre peintre des batailles napoléoniennes. Il s'y attela au cours de son séjour italien, probablement vers 1800. Plusieurs dessins témoignent de ses recherches sur ce sujet qu'il ne réalisa cependant jamais sur toile. L'étude est un chef-d'oeuvre de fougue et de virtuosité tant dans le traitement des figures qui tourbillonnent que dans l'utilisation du lavis d'encre et de ses multiples nuances. La place de Gros en précurseur du romantisme, admiré par des artistes tels que Delacroix et Géricault, prend tout son sens à la vue du ballet vibrant qui se joue ici entre l'adolescent gracile et ce majestueux cheval cabré. Cette oeuvre spectaculaire provient de la collection de Gaston Delestre, expert en peinture et dessins, et petit-neveu de Jean-Baptiste Delestre (1800-1871), élève de Gros et auteur de sa première biographie (1845).