Les deux crucifix donnés sous réserve d'usufruit par Marc Fumaroli au département des objets d'art du musée du Louvre relèvent tous deux du monde hispanique. Le premier crucifix fut peut-être réalisé à Rome dans les dernières années du xvie siècle. C'est en tout cas à un prestigieux modèle romain que l'ivoirier voulait faire référence. Le Christ s'inspire directement de celui en métal précieux au centre de la nouvelle garniture d'autel commandée pour Saint-Pierre de Rome et réalisée en 1582 par orfèvre Antonio Gentili sur un modèle de Guglielmo Della Porta. Le second Crucifix s'inscrit dans une histoire beaucoup plus vaste, qui est celle de la mondialisation des échanges à la fin du xvie siècle, avec l'ouverture des routes de navigation entre la Chine, l'Europe et les Amériques. Les Philippines étaient plus une plaque tournante qu'un véritable lieu de production. Les ateliers du Sud de la Chine produisirent alors en masse des crucifix et des statuettes de saints en ivoire, d'après des modèles fournis par les marchands européens. Ici, l'ivoirier s'inspire, en le sinisant involontairement, du célèbre Christ mort de Giambologna, largement diffusé dans le monde hispanique. De l'Amérique centrale, ces ivoires étaient diffusés dans toute l'Amérique latine, et, de là en Espagne. Remarquable par sa taille et sa qualité, il vient enrichir nos collections très pauvres dans ce domaine. Il permet d'évoquer cet épisode très important des échanges entre l'Asie et l'Europe à l'époque moderne.
Christ en croix
Rome, vers 1600
Ivoire.
H. 29; L. 25 cm
Don de Marc Fumaroli sous réserve d'usufruit par l'intermédiaire des Amis du Louvre
Paris, Musée du Louvre.
École hispano-philippine, Sud de la Chine. Vers 1600.
Ivoire.
H. 46,5; L. 40,5 cm
Don de Marc Fumaroli sous réserve d'usufruit par l'intermédiaire des Amis du Louvre
Paris, Musée du Louvre.